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Carole Bressan le blog
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17 avril 2009

Thierry Martin-Scherrer

Puisque nous avons parlé de musique, de couleurs et de perception intime... Je ne résiste pas à l'envie de vous faire lire cet extrait tombant, à mon avis, à point nommé. Sur ces mots, je suis tombée hier presque par hasard, glissant d'un lien à un autre:

"La musique vibre hors de tout mot. Pure empathie, elle dore en moi une disposition fusionnelle, parfume ma porosité au monde, entre chez moi comme dans un moulin, ébroue mon identité, me familiarise à ce qui échappe. L’homme, animal doué de raison. L’homme poétique, doué de rythme, devenant musique au fur et à mesure que la raison émerge. La raison entend incliner le monde. La raison musicienne, vassale du rythme. La musique élabore le temps de ma conscience, elle est le mouvement de ma conscience happant au passage le temps confesseur. École de mon temps intérieur, elle forme enclave autour de ma conscience à l’intérieur du temps, qu’elle façonne en flambeau au fur et à mesure qu’il décroît. − au point qu’il suscite en sa pointe extrême l’hallucination sonore de Dieu (Cioran). Le seul soin du musicien en moi, locataire du temps : la cohabitation harmonieuse.
L’homme de Pascal, "fabriqué pour l’infini ". Le musicien, fabriqué pour la résonance, taillé pour l’écho, le meilleur homme qui soit. Pur instrument, il ne se peut appartenir qu’en se dépossédant. Enclin à toutes les épidémies d’extase, − il ignore les vaccins de la raison − son art au mieux rend au temps une braise, après que le temps l’a consumé.
De tous les langages, la musique est le plus métaphysique : tous les reflets, toutes les couleurs dont rêve le temps, telle est sa palette. La musique habille les formes du temps depuis l’aube du monde. Elle est l’histoire de l’homme percuté par le temps. Chaque jour qui passe l’aide à dépasser ce carambolage.
D’où vient que les chefs-d’œuvre sonores de tous les temps m’atteignent toujours à l’intime, ici et maintenant, inépuisablement : leçons de ma fibre intime, le temps pur, dont je suis façonné comme l’enfant qui vient de naître
".

Thierry Martin-Scherrer, l’Exil musical, éd. Belles Lettres, coll. Encre Marine, 2009, p. 127

composition_6_1913

compo_7_1913

Wassily Kandinsky, Les Compositions VI et VII, 1913

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