la preuve du vivant

Ces jours derniers je me suis souvent posée la question de la photographie. J'ai cherché à comprendre pourquoi j'ai un mal fou à m'intéresser à autre chose qu'aux présences inertes. Appelons-les ainsi. C'est vrai, je cherche à conserver, à saisir, à proposer des hors champs qui nous permettent de tout imaginer. Cela me rassure. Peut-être. Je retrouve émue cette passion toujours présente pour la trace et pour la mémoire surtout. J'aime sentir sans voir très souvent. J'aime imaginer et ouvrir toutes les portes. Je me souviens d'avoir, d'abord, aimé photographier les corps. J'en parlais l'autre jour. La peau, les chairs, les contrastes des silhouettes que nous éclairions à la bougie. J'avais 18 ans. Je pense que je veux revenir progressivement à cela. Mais il me semble que la route sera longue. Je m'interroge. Et j'attends.

Mais j'aime aussi ces manifestations graphiques qui rôdent et s'imposent aussi avec force tout autour, partout, tel le mobilier d'un paysage urbain et une sorte de traumatisme violent diffusé, aussi, dans les campagnes. Le tag, graffiti. Alors, je traîne, dans de vieilles baraques abandonnées, ou près des autoroutes, dans des endroits qui m'intriguent. On pense que c'est "glauque" comme dit l'autre, si on pense que ce qui vit l'est. Hors champ, s'ouvrent l'au-delà du présent pour moi et des passages que je ne saurai dire tout à fait. La trace, l'objet que l'on oublie, le mur qui est souillé, ce que l'on déplace pour le dire autrement me parait constituer un centre d'intérêt inépuisable. Comme pour essayer de me souvenir qu'au-delà du cadre existe le vivant.

Je crois bien plus à ce qui se trace et se retrace à nouveau, aux témoins voyageurs à l'infini. Ce qui reste nous permet toutes les possibilités, d'élaborer tous les récits, de nous croire capables de refaire à notre manière ce qui semble déjà là et qui demeure instable, en devenir.